Deux. Impair. Federico Montuschi. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Federico Montuschi
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Серия:
Жанр произведения: Полицейские детективы
Год издания: 0
isbn: 9788893986472
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      « Un j...joli saut, il n’y a pas à dire », dit Castillo, se tournant vers le Slave, qui était resté sur le trottoir, le regard tourné vers le parapet inférieur du balcon du troisième étage avec le journal local posé en guise de visière sur le front, pour éviter les gouttes dans les yeux.

      Le Slave ne prononça pas un mot.

      Il savait qu’il devait répondre à l’inspecteur uniquement dans le cas d’une demande précise, qui ne tarda pas à arriver.

      « Qu’en p...penses-tu ?

      — Le suicide d’une personne que tout le monde aimait. Pauvre Père Juan. Qui sait ce qui lui est passé par la tête », répondit le jeune homme, en secouant la tête et en se rendant compte immédiatement de la banalité de cette affirmation.

      L’inspecteur leva le sourcil gauche, il croisa les bras sur sa poitrine et se tourna lentement vers lui.

      « Apparemment, oui. Mais r...réfléchissons un instant. Quelle raison pourrait avoir une personne comme le Père Juan pour se jeter du t...troisième étage ? C’était un homme respecté de la communauté, serein, pour ce que je connaissais de lui. D’ailleurs, j...j’ai envie de dire que même l’hypothèse selon laquelle il aurait été tué est difficilement soutenable : quels ennemis pouvait avoir une personne comme lui ? Je v...vais appeler la police pour savoir s’ils ont ouvert une enquête. »

      Le Slave s’étonna presque de la tranquillité avec laquelle Castillo s’était adressé à lui.

      Habituellement, lors de ses rares interventions, l’inspecteur réagissait par l’effet « allumette », s’enflammant rapidement, et s’éteignant tout aussi rapidement.

      Mais les journées passées à la maison avaient dû lui faire du bien, ou peut-être, plus simplement, ne voulait-il pas commencer la semaine avec une discussion stérile.

      Castillo sortit le téléphone de la poche latérale de son imperméable et composa le numéro du central de police de San José.

      À la troisième sonnerie, Herreros répondit. C’était un ancien policier de la brigade mobile qui était resté paralysé à vie, quelques années auparavant, suite à des échanges de coups de feu avec un clan de narcotrafiquants, et qui déambulait à présent dans un fauteuil roulant.

      Il était lui aussi de Burgos et ami proche de Castillo bien avant d’entrer dans la police ; c’était un homme de corpulence robuste et il portait une grosse barbe noire, qui servait disait-on à masquer une profonde cicatrice au couteau, souvenir de l’un des nombreux affrontements avec la pègre de l’Amérique centrale.

      Il n’avait pas de famille et passait la majorité de ses soirées libres dans les brasseries de la capitale à discuter avec les gens qu’il rencontrait.

      Il était depuis toujours connu de tous comme un homme bon, avec des yeux doux, renfrognés mais tendres, toujours pointés vers l’horizon, et la nouvelle de l’accident ayant provoqué sa paralysie avait bouleversé tout le monde.

      Le poste de standardiste au siège de la police de San José lui avait été confié en vertu de son affabilité envers les gens, qui malgré son accident était restée intacte.

      Et ce jour-là ne fit pas exception.

      « Police de San José, bonjour. Comment puis-je vous aider ?

      — Herreros b...bonjour, c’est Castillo. Comment vas-tu ?

      — Salut Castillo ! Quel plaisir de t’entendre, mon vieil ami ! Dis-moi tout.

      — J’aimerais savoir s...si quelqu’un de la brigade mobile est passé Calle del Tesoro ce ma...matin pour le suicide du Pè...Père Juan.

      — Il pleut, à ce que j’entends, hein ? ».

      Herreros savait qu'il pouvait se permettre ce genre de blague avec son ami, étant donné la confiance qui existait entre les deux.

      « J’ai entendu cette histoire du Père Juan, pauvre homme...je ne sais pas si quelqu’un de chez nous est intervenu, laisse-moi vérifier, je te rappelle rapidement.

      — Je te remercie. À plus tard, alors. — À plus tard ».

      Castillo fit deux pas en avant, en sautant par-dessus la flaque de sang sur le trottoir, et poussa avec la pointe des doigts la porte d’entrée de l’immeuble qui s’ouvrit dans un grincement désagréable. D'un signe de tête, il invita le Slave à le suivre.

      Dans le hall de l’immeuble, un néon bancal illuminait sans conviction les escaliers, qui montaient à droite de l’ascenseur.

      Une feuille de papier accrochée au mur avec du scotch indiquait au stylo rouge que l’ascenseur était en panne.

      La loge du concierge, séparée du reste du hall par une fine paroi de verre qui s’élevait à côté d'une minuscule porte de bois, était dans le noir le plus total.

      Le dossier manquant de la seule chaise présente était le signe évident que personne n’accueillait plus les habitants depuis cette petite pièce et ce depuis un bon moment.

      Castillo en perçut l’atmosphère d’abandon, le désordre, la lourde épaisseur de la poussière accumulée à l’intérieur.

      Il dépassa la loge et s’engagea dans les escaliers, suivi par le Slave et accompagné par le bourdonnement du néon.

      L’odeur intense d’urine était écœurante et l’inspecteur se demanda comment le Père Juan avait pu vivre pendant dans des années dans un lieu si sordide.

      Montant les dernières marches deux à deux, il se retrouva sur le palier du troisième étage, celui de l’appartement du prêtre, les tempes et le cœur battant à tout rompre.

      « Tout va bien, inspecteur ? », demanda le Slave, regardant autour de lui à la recherche d'un interrupteur pour allumer le couloir.

      « Ou...oui, plus ou moins », répondit Castillo, plié en deux les mains appuyées sur les genoux à la recherche d’oxygène.

      Les journées passées au lit n’avaient certainement pas aidé ses poumons et il se promit, pour la énième fois, de commencer dès que possible un programme d’entraînement pour récupérer au moins partiellement sa forme physique perdue.

      Le Slave, une fois la lumière allumée, examina toutes les portes du couloir, lisant le nom du locataire sur la plaque affichée, jusqu’à ce qu’il trouve la bonne.

      « Nous y sommes, c’est l’appartement du Père Juan », dit-il en indiquant une porte de couleur marron foncé.

      Castillo se limita à faire un signe d’approbation.

      Le Slave sortit de la poche arrière de son jean délavé un passepartout en métal, mais avant qu’il ne tente de l’enfiler dans la serrure, il fut interrompu par la voix puissante de l’inspecteur.

      « Ess...essayons de sonner, avant de faire des so...sottises. Nous n’avons pas l’au...autorisation d’entrer, et la dernière chose que je souhaite, c’est d’être accusé d’effraction dans la maison d’un mort. C’est clair ? »

      Les yeux de Castillo ressemblaient à deux tisons de charbon prêts à alimenter la flamme du feu interne qui brûlait dans son ventre quand les personnes qu’il aimait bien - et le Slave appartenait à cette catégorie - se perdaient dans des idioties qu’il n’arrivait pas à concevoir.

      Surpris par la violence du ton de l’inspecteur, le Slave se figea, avec la clé à quelques centimètres de la serrure.

      Avec une démarche étonnamment féline, étant donné l’état dans lequel il avait terminé la montée des escaliers, Castillo se plaça entre lui et la porte.

      « Freeze, flight or fight . Toi tu as choisi freeze », susurra l’inspecteur, esquissant un sourire qui voulait