La plainte d'une amante. Уильям Шекспир. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET


Автор: Уильям Шекспир
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Драматургия
Год издания: 0
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La plainte d'une amante

      LA PLAINTE D'UNE AMANTE

POËME

      I. – Sur le penchant d'une colline dont le sein creusé répétait une lamentable histoire qui partait de la vallée voisine, je résolus d'écouter cette double voix, et je m'étendis sur le sol pour prêter l'oreille à cette triste aventure: bientôt je vis paraître une jeune fille, d'une extrême pâleur: elle déchirait des papiers, elle brisait des bagues, elle accablait l'univers de la pluie et du vent de sa douleur.

      II. – Sur sa tête elle portait une ruche tressée de paille, qui abritait son visage du soleil; à travers la paille on pouvait croire qu'on entrevoyait les restes d'une beauté perdue et évanouie. Le Temps n'avait pas moissonné de sa faux tout ce que la jeunesse avait commencé, la jeunesse n'avait pas non plus tout à fait disparu; et en dépit de la rage cruelle du ciel, on apercevait encore quelque beauté à travers les fentes de sa vie consumée.

      III. – Souvent elle portait à ses yeux son mouchoir, qui était couvert de dessins fantastiques; elle trempait les images soyeuses dans l'onde amère que sa profonde douleur faisait couler en larmes, et souvent elle lisait les lettres que portait le mouchoir: souvent aussi elle poussait des cris inintelligibles et lamentables, tantôt exhalant sa douleur à haute voix, et tantôt murmurant tout bas.

      IV. – Parfois elle levait fixement les yeux comme si elle voulait lancer des traits à la sphère céleste; parfois elle les tenait tristement attachés à la terre: elle regardait tout droit devant elle, ou bien elle les promenait autour d'elle, sans les arrêter nulle part: ses regards et son âme étaient dans un désordre semblable.

      V. – Ses cheveux, qui n'étaient ni épars, ni rattachés on tresses, dénotaient en elle la négligence et l'absence d'orgueil: les uns tombaient hors de son chapeau de paille et pendaient le long de sa joue pâle et amaigrie: les autres restaient cachés dans son filet, et, soumis à l'esclavage, ne cherchaient pas à y échapper, quoique mollement tressés par une main négligente.

      Elle tira un millier de rubans d'un panier orné d'ambre, de cristal et de jais: elle les jeta un à un dans une rivière, sur la rive larmoyante de laquelle elle s'était assise; comme l'usure, qui ajoute les pleurs aux pleurs, ou comme les mains d'un monarque, qui ne dispensent pas leurs dons là où la misère demande «quelque chose,» mais là où l'excès réclame tout.

      VI. – Elle avait une foule de lettres pliées; elle les relut, soupira, les déchira et les livra au cours de l'onde; elle brisa plus d'une bague d'or et d'émail fleuri, leur ordonnant de chercher un sépulcre dans la vase: elle trouva encore des lettres tristement écrites avec du sang, cachetées avec de la soie qui les entourait, et soigneusement défendues contre les regards curieux.

      VII. – Elle les baigna souvent de ses larmes abondantes, elle les embrassa souvent, et souvent aussi elle parut sur le point de les mettre en pièces; elle s'écria: «O sang trompeur! ô toi, écrivain de mensonge, quel terrible témoignage ne rends-tu pas? L'encre semblerait ici plus noire et plus criminelle!» Cela dit, elle déchire dans sa rage les lignes, et sa fureur les réduit en mille fragments. Un homme vénérable qui faisait paître son troupeau; homme jadis lancé dans le monde, qui connaissait bien le tourbillon de la cour et de la ville, et qui avait laissé couler les heures rapides, en observant leur marche, vint trouver cette pauvre âme affligée, et grâce au privilège de son âge, il lui demanda de lui dire en peu de mots la cause et les motifs de son chagrin.

      VIII. – Il s'appuie sur son bâton noueux et vient doucement s'asseoir à ses côtés; puis une fois près d'elle, il lui demande de nouveau de confier à son oreille la cause de son affliction; s'il peut trouver un remède qui apporte quelque soulagement à l'excès de sa douleur, il le lui promet avec la charité d'un vieillard.

      IX. – «Mon père, dit-elle, quoique vous voyiez en moi les ravages qu'ont fait pins d'une heure d'angoisse, ne croyez pas que je sois vieille; c'est le chagrin, et non l'âge, qui a eu sur moi cet empire: je pourrais être encore une fleur qui s'épanouit dans toute sa fraîcheur, si j'avais su n'aimer que moi, et me refuser à tout autre amour. Mais hélas! je prêtai trop tôt l'oreille aux prières (faites pour gagner mon coeur) d'un être si richement doué par la nature à l'extérieur, que les yeux des jeunes filles ne pouvaient se détacher de son visage l'amour n'avait pas de demeure; il vint se fixer chez lui, et lorsqu'il fut installé dans ce corps si beau, il devint doublement divin.

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