Fusées (Journaux Intimes). Charles Baudelaire. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Charles Baudelaire
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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e

      Fusées (Journaux Intimes)

      I

      Quand même Dieu n’existerait pas, la Religion serait encore Sainte et Divine.

      Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister.

      Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.

      L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la Prostitution.

      Dans un spectacle, dans un bal, chacun jouit de tous. Qu’est-ce que l’art? Prostitution.

      Le plaisir d’être dans les foules est une expression mystérieuse de la jouissance de la multiplication du nombre.

      Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. L’ivresse est un nombre.

      Le goût de la concentration productive doit remplacer, chez un

      homme mûr, le goût de la déperdition.

      L’amour peut dériver d’un sentiment généreux : le goût de la prostitution ; mais il est bientôt corrompu par le goût de la propriété.

      L’amour veut sortir de soi, se confondre avec sa victime, comme le vainqueur avec le vaincu, et cependant conserver des privilèges de conquérant.

      Les voluptés de l’entrepreneur tiennent à la fois de l’ange et du propriétaire. Charité et férocité.  Elles  sont  même indépendantes du sexe, de la beauté et du genre animal.

      Les ténèbres vertes dans les soirs humides de la belle saison.

      Profondeur immense de la pensée dans les locutions vulgaires, tous creusés par des générations de fourmis.

      Anecdote du chasseur, relative à la liaison intime de la férocité de l’amour.

      II

      De la féminéité de l’Eglise, comme raison de son omnipuissance.

      De   la   couleur   violette   (amour   contenu,   mystérieux   voilé, couleur de chanoinesse).

      Le prêtre est  immense parce qu’il  fait  croire à une foule de choses étonnantes.

      Que  l’Eglise  veuille  tout  faire  et  tout  être,  c’est  une  loi  de l’esprit humain.

      Les peuples adorent l’autorité.

      Les prêtres sont les serviteurs et les secrétaires de l’imagination.

      Le trône et l’autel, maxime révolutionnaire.

      E.G. ou la séduisante Aventurière

      Ivresse religieuse, des grandes villes. – Panthéisme. Moi, c’est tous ; Tous, c’est moi.

      Tourbillon.

      III

      Je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la  plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, préludes d’une tragédie  de déshonneur, ces gémissements, ces cris, ces râles? Qui ne les a pas proféré, qui ne les [a] irrésistiblement extorqués? Et que trouvez-vous de pire dans la question  appliquée  par  des soigneux tortionnaires? Ces yeux de somnambule révulsés, ces membres dont les  muscles  jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique, l’ivresse,  le  délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus d’une expression d’une férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort. Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le  mot  : extase à cette sorte de décomposition.

      – Epouvantable  jeu  où  il  faut  que  l’un  des  joueurs  perde  le gouvernement de soi-même!

      Une fois il fut demandé devant moi en quoi consistait le plus grand plaisir de l’amour. Quelqu’un répondit naturellement : à recevoir, – et un autre : à se donner.

      – Celui-ci dit : plaisir d’orgueil! – et celui-là : volupté d’humilité! Tous ces orduriers parlaient comme l’Imitation de

      Jésus-Christ. – Enfin il se trouva un impudent utopiste qui affirma que le plus grand plaisir de l’amour était de former des citoyens pour la patrie.

      Moi je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. – Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve tout volupté.

      IV

      Plans.   Fusées.   Projets.   –   La   Comédie   à   la   Silvestre. ׀

      Barbora et le Mouton.

      – Chenavard a créé un type surhumain.

      – Mon vœu à Levaillant.

      – Préface, mélange de mysticité et d’engouement. Rêves et théorie du Rêve à la Swedenborg.

      La pensée de Campbell (The conduct of life). Concentration.

      Puissance de l’idée fixe.

      La franchise absolue, moyen d’originalité. Raconter pompeusement des choses comiques…

      V

      Fusées. Suggestions. – Quand un homme se met au lit, presque tous ses amis ont un désir secret de le voir mourir; les uns, pour constater qu’il avait une santé inférieure à la leur ; les autres, dans l’espoir désintéressé d’étudier une agonie.

      Le dessin arabesque est le plus spiritualiste des dessins.

      VI

      Fusées. Suggestions. – L’homme de lettres remue des capitaux et donne le goût de la gymnastique intellectuelle.

      Le dessin arabesque est le plus idéal de tous.

      Nous aimons les femmes à proportion  qu’elles  nous  sont plus étrangères. Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste. Ainsi la bestialité exclut la pédérastie.

      L’esprit de bouffonnerie peut ne pas exclure la charité, mais c’est rare.

      L’enthousiasme qui s’applique à autre chose que les abstractions, est un signe de faiblesse et de maladie.

      La maigreur est plus nue, plus indécente que la graisse.

      VII

      Ciel tragique. – Epithète d’un ordre abstrait appliqué à un être matériel.

      L’homme boit la lumière avec l’atmosphère. Ainsi le peuple a raison de dire que l’air de la nuit est malsain pour le travail.

      Le peuple est adorateur-né du feu. Feux d’artifice, incendies, incendiaires.

      Si l’on suppose un adorateur-né du feu, un Parsis-né, on peut créer une nouvelle…

      VIII

      Les méprises relatives aux visages  sont  le  résultat  de l’éclipse de l’image réelle par l’hallucination qui en tire sa naissance.

      Connais donc les jouissances d’une vie  âpre,  et  prie,  prie sans cesse. La prière est réservoir de force. (Autel de la volonté. – Dynamique morale. – La Sorcellerie des Sacrements. – Hygiène de l’âme.)

      La Musique creuse le ciel.

      Jean-Jacques disait qu’il n’entrait dans un café qu’avec une certaine émotion. Pour une nature