Introduction à la vie dévote. Saint de Sales Francis. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Saint de Sales Francis
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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      Introduction à la vie dévote

      SENTIMENT D'ALEXANDRE VII

Sur cet ouvrage, et les autres écrits de saint François de Sales

      Mon cher neveu, c'est avec regret que j'ai souffert votre absence et notre séparation; mais il nous faut rejoindre par le commerce des lettres; et pour le commencer par un sujet digne de vous et de moi, je ne saurois, ce me semble, mieux faire que de vous continuer le discours que je vous faisois sur le point de votre départ. Je vous conjure donc, encore une fois, de faire vos délices et plus chères études des œuvres de M. de Sales, d'être son lecteur assidu, son fils obéissant, et son imitateur fidèle. C'est à sa Philothée, qui est la meilleure guide qu'on puisse prendre pour se conduire dans le chemin de la vertu, que je dois depuis vingt ans, après Dieu, la correction de mes mœurs; et s'il y a quelque chose en moi exempt de vice, je lui en ai obligation. Je l'ai lue une infinité de fois, et je ne saurois me passer de la relire; elle ne perd jamais pour moi la grâce de la nouveauté, et toutes les fois qu'elle repasse sous mes yeux, il me semble qu'elle me dit toujours quelque chose de plus que ce qu'elle m'avoit dit auparavant. Si vous m'en croyez, ce livre sera le miroir de votre vie, et la règle sur quoi vous prendrez la mesure de toutes vos actions, et de toutes vos pensées. Il ne vous oblige pas à l'austérité et à la solitude d'un ermite; il ne vous persuade pas d'entreprendre un genre de vie extraordinaire; son dessein est de vous mener au bout de la perfection chrétienne, et de vous instruire dans la solide piété, par une voie douce et facile, qui s'accommode admirablement à toutes les différentes conditions des hommes, quelque basses ou relevées qu'elles puissent être. Si la vertu, disoit un ancien, pouvoit nous être représentée avec des couleurs assez vives, et des traits dignes de son mérite, elle attireroit tous les mortels à son amour, avec une ardeur et une passion extrêmes. Il me semble, certes, que le grand François de Sales a réussi parfaitement dans ce dessein; en effet, il nous l'a représentée au vif avec tout l'éclat de sa majesté, et tous les attraits de ses beautés et de ses grâces. Mais ce qui est le plus digne de louange, et le plus agréable en cet excellent écrivain, c'est que se proposant Notre-Seigneur pour son modèle, il a commencé à bien faire avant que de bien dire, et que son premier soin a été d'exécuter lui-même ce qu'il devoit enseigner aux autres. De sorte qu'on peut dire avec raison, que ceux qui étudient ses livres, étudient encore sa vie, et que ses préceptes et ses avis sont d'autant plus faciles à pratiquer, qu'ils sont prévenus et autorisés de son exemple. Cet homme, né dans une famille noble et riche, élevé dans la vertu et les belles-lettres, de la manière dont on a accoutumé d'instruire les enfans de bonne maison, a paru dans la cour des rois, et les palais des princes, dans les maisons des particuliers, dans les compagnies de ses amis, dans les affaires du monde, dans les exercices de dévotion: bref, dans tous les emplois de sa charge épiscopale, avec une conduite et une sainteté merveilleuses; tellement que nous avons bien sujet de nous couvrir de rougeur et de honte, et de condamner notre lâcheté, nous, à qui le prétexte, ou de la coutume du monde, ou de l'occupation des grandes affaires, ou de la condition de notre naissance, sert d'excuse ordinaire pour nous dispenser de vivre dans les règles exactes de la piété chrétienne. Or ce que je dis de la Philothée, je le dis encore du Théotime: je veux dire, de ce livre tout d'or de l'amour divin; bref, de tous les autres ouvrages de ce grand homme, je vous avoue que les lisant souvent, et de nuit, je me suis fait comme une idée en moi-même, et un recueil de ses plus beaux sentimens, et des points principaux de sa doctrine, que je rumine puis après à mon loisir, que je goûte et que je fais passer, pour ainsi dire, dans mon estomac, afin de le transformer en mon sang et en ma substance. Voilà mon sentiment touchant ce saint homme, mon cher neveu, dont je vous fais part, vous exhortant de tout mon cœur à le suivre: car en vérité, si vous le prenez pour le censeur et le guide de votre vie, si vous pratiquez en sa personne ce que Sénèque même nous enseigne, qu'il nous faut choisir l'exemple de quelque homme illustre, qui serve de patron à notre conduite, et en présence de qui nous nous imaginions d'être et d'agir en toutes occasions, ni je n'aurai sujet de me repentir du conseil que je vous donne, ni vous de l'avoir mis en exécution. Je finis, mon cher neveu, en vous disant avec Horace:

      Adieu, vivez content, et si vous savez quelque chose de meilleur que ces avis, je vous prie de m'en faire part en toute sincérité; sinon, servez-vous comme moi de ceux-ci, et faites-en votre profit.

      ORAISON

      DÉDICATOIRE

      O doux Jésus! mon Seigneur, mon Sauveur et mon Dieu, me voici prosterné devant votre Majesté, vouant et consacrant cet écrit à votre gloire. Animez-en les paroles de votre sainte bénédiction, afin que les ames pour lesquelles je l'ai fait, en puissent recevoir les inspirations que je leur désire, et particulièrement celle d'implorer sur moi votre immense miséricorde, afin qu'en montrant aux autres le chemin de la dévotion en ce monde, je ne sois pas réprouvé et confondu éternellement dans l'autre; mais qu'à jamais je chante avec eux pour cantique de triomphe le mot que de tout mon cœur je prononce maintenant en témoignage de fidélité parmi les hasards de cette vie mortelle: Vive Jésus! vive Jésus! Oui, Seigneur Jésus, vivez et régnez en nos cœurs par tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

      PRÉFACE

      Mon cher lecteur, je vous prie de lire cette Préface pour votre satisfaction et la mienne.

      La bouquetière Glycera savoit si bien diversifier la disposition et le mélange des fleurs, qu'avec les mêmes fleurs elle faisoit une grande variété de bouquets: de sorte que le peintre Pausias demeura court quand il voulut imiter cette diversité d'ouvrages; car il ne put changer sa peinture en autant de manières que Glycera faisoit ses bouquets. Ainsi le Saint-Esprit dispose et arrange avec tant de variété les enseignemens qu'il nous donne sur la dévotion par la plume et la bouche de ses serviteurs, que la doctrine restant toujours la même, les discours néanmoins qui s'en font sont bien différens, selon les diverses formes qu'ils reçoivent. Je ne puis certes ni ne veux écrire en cette Introduction que ce qui a déjà été dit avant moi sur ce sujet. Ce sont les mêmes fleurs que je présente à mon lecteur, mais le bouquet que j'en ai fait sera différent des autres, à cause de la forme que je lui ai donnée.

      Ceux qui ont traité de la dévotion ont presque tous regardé l'instruction des personnes retirées du monde: on du moins ils ont enseigné une sorte de dévotion qui conduit à cette entière retraite. Pour moi j'ai l'intention d'instruire ceux qui vivent dans les villes, dans leur ménage, à la cour, et qui par leur condition sont obligés de mener une vie commune quant à l'extérieur, lesquels bien souvent, sous le prétexte d'une prétendue impossibilité, ne veulent pas même penser à l'entreprise de la vie dévote, s'imaginant que, comme aucun animal n'ose goûter de la graine du Palma Christi, nul homme aussi ne doit prétendre à la palme de la piété chrétienne, tandis qu'il vit parmi les embarras des affaires temporelles. Or je leur montre ici le contraire; car, de même que les mères-perles vivent au sein de la mer sans prendre une seule goutte d'eau marine; que vers les îles Chélidoines il y a des fontaines d'eau douce au milieu des eaux salées de l'océan, et que les pyraustes volent à travers les flammes sans se brûler les ailes; de même aussi une ame vigoureuse et constante peut vivre dans le monde sans prendre l'humeur mondaine, trouver les sources d'une douce piété parmi les ondes amères du siècle, et voler entre les flammes des convoitises terrestres sans brûler les ailes des saints désirs de la vie dévote. Il est vrai que cela est malaisé; aussi voudrois-je que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on ne l'a fait jusqu'à présent; et c'est pourquoi, tout foible que je suis, je vais essayer par cet écrit de soutenir les cœurs généreux qui feront cette digne entreprise.

      Toutefois si cette Introduction voit le jour, ce n'a pas été de mon choix et de mon propre mouvement. Il y a quelque temps qu'une ame vraiment pleine d'honneur et de vertu, se sentant pressée par la grâce de Dieu d'entrer dans la vie dévote, me pria de l'assister en ce bon dessein; et moi qui lui étois fort dévoué par toutes sortes de devoirs, et qui avois depuis long-temps remarqué en elle de grandes dispositions à la piété, je me rendis fort soigneux à la bien instruire; et l'ayant conduite par tous les exercices convenables à ses désirs et à sa condition, je lui en laissai des mémoires par écrit, afin qu'elle pût y recourir en cas de besoin. Depuis elle les communiqua à un docte et dévot religieux, qui, croyant que plusieurs personnes en pourroient profiter, m'exhorta fort à les rendre publics; ce qu'il n'eut pas de peine à me persuader, parce que son amitié avoit beaucoup d'empire sur ma volonté, et son jugement