Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Du Casse Albert
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
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ire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier / Théâtre-Français, Opéra, Opéra-Comique, Théâtre-Italien, Vaudeville, Théâtres forains, etc…

      I

      ORIGINE DU THÉATRE EN FRANCE. – LES DEUX PREMIÈRES PÉRIODES

DE 1402 A 1588

      Origine du théâtre en France. – Théâtre à Saint-Maur. – Lettres-patentes de 1402. – Confrères de la Passion. – Origine du droit pour les hôpitaux. —Les mystères. – Analyse d'une de ces pièces. – Anecdote relative au mystère de la Passion. – Bon mot d'un peintre. —Les moralités. – Origine de la petite pièce. – Analyse d'une moralité. – Personnages habituels des mystères et des moralités. – Origine de ce dicton, faire le diable à quatre. – Origine du prologue. – Principaux auteurs des mystères et des moralités pendant le quinzième siècle et la moitié du seizième. – Mystères joués dans les églises au treizième siècle. – Influence sur le théâtre, des fêtes données à Isabeau de Bavière, en 1385. – Modifications apportées aux représentations par les pièces connues sous le nom de farces. —Les sottises. – Révolution dans le théâtre en 1548. – Édit du Parlement. – Les Confrères de la Passion à l'Hôtel de Bourgogne. – Transition entre le genre sacré et le genre profane, un peu avant 1548. – Modification du goût en France. – Lazare Baïf et Jean de la Taille. – Principaux auteurs et principales compositions dramatiques, de 1548 à 1588. – Jodelle. – La tragédie des anciens remise sur la scène française. —Cléopâtre, Didon.– Les comédies de Jodelle (de 1552 à 1558). – Jean de la Rivey. – Ses comédies. – Ses innovations. – Comédie des Esprits, représentée en 1576. – Les farces. – François Villon, auteur de celle de l'Avocat Pathelin. – Anecdote relative à la pièce de la Passion, de Villon. – Succès de l'Avocat Pathelin, au commencement du seizième siècle.

      L'origine du théâtre en France ne remonte pas au delà du commencement du quinzième siècle. Toute tradition de l'art dramatique qui, chez les anciens, avait fait briller la littérature d'un si vif éclat, semblait entièrement perdue, lorsque, poussés par une pensée pieuse, quelque bourgeois de Paris eurent l'idée de former une société, d'élever un théâtre, et d'y représenter les Mystères de la Passion.

      C'est le bourg de Saint-Maur, près Vincennes, qu'ils choisirent pour y dresser leurs tréteaux. Le choix de Saint-Maur fut déterminé par deux raisons. La première, c'est que la société dramatique craignait, et elle n'avait pas tort, de ne pouvoir obtenir d'exercer dans l'intérieur de la ville; la seconde, c'est que les quartiers avoisinant la place Royale étaient alors la partie la mieux habitée de Paris, et que le bourg où ils s'étaient fixés se trouvait peu éloigné des grands hôtels.

      Le prévôt de la cité mit d'abord des obstacles aux représentations; mais, en 1402, la troupe de Saint-Maur eut la bonne aubaine de jouer devant Charles VI quelques pièces qui firent plaisir à cet infortuné monarque, et les acteurs obtinrent des lettres-patentes pour leur établissement dans la capitale.

      C'est donc à l'année 1402 qu'il faut faire remonter la création du premier théâtre à Paris. La troupe prit le nom de Confrères de la Passion, nom qui rappelait les sujets des pièces, toutes tirées de l'Ancien, du Nouveau-Testament ou de la Vie des Saints. La salle de spectacle fut tout simplement une salle de l'hôpital de la Trinité, rue Saint-Denis.

      Pendant un siècle et demi, le théâtre des Confrères de la Passion subsista sans rival et sans grande amélioration, il était fort couru cependant, puisqu'en 1541, un arrêt du Parlement obligea la société à payer 800 livres parisis par an, au profit des pauvres, pour les indemniser de la diminution que l'on remarquait dans les aumônes qui leur étaient faites depuis les représentations théâtrales. C'est à cet édit qu'on doit, sans nul doute, faire remonter la taxe pour les hôpitaux, droit qui s'est perpétué jusqu'à nous et qui subsiste encore.

      L'espèce de poëme dramatique qu'on appelait Mystère, était un factum presque toujours long, grossier et absurde, tiré de l'Écriture sainte et de la Legende des saints, et où Dieu et le diable étaient souvent en scène. Ceux qui obtinrent le plus grand succès furent: le Mystère des Actes des Apôtres, par Arnoul et Simon Gréban (représenté en 1450); le Mystère de la Passion, par Jean Michel (en 1490); le Mystère du Vieil Testament, par Jean Petit (en 1506); le Mystère de la Conception et Nativité de la glorieuse Marie vierge avec le mariage d'icelle, etc., par Joseph de Marnef (en 1507); le Mystère et beau miracle de Saint-Nicolas, avec quatre-vingt-quatre personnages, par Pierre Sergent (en 1544).

      On aura une idée de ce qu'étaient ces sortes de pièces, par l'analyse de l'une d'elles, le Mystère du Vieil Testament. Dieu, irrité des crimes qui se commettent à Sodome et à Gomorrhe, se décide à lancer le feu du ciel sur ces deux villes. Un personnage ayant nom Miséricorde, veut intercéder pour les habitants des cités condamnées; Dieu répond naïvement:

      Leur péché si fort me déplaît,

      Vu qu'il n'y a ni raison ni rime,

      Qu'ils descendront tous en abîme.

      Le Mystère de la Passion, qui fut représenté en Suède, sous le règne de Jean II, devint la cause d'une véritable et épouvantable tragédie. L'acteur ayant le rôle du soldat qui perce le Christ de sa lance, mit tant d'action dans son jeu, qu'il enfonça réellement le fer de son arme dans le côté de celui qui était sur la croix. Ce dernier tomba mort et écrasa dans sa chute l'actrice qui représentait Marie. Jean II, indigné de la brutalité de l'acteur qui a donné le coup de lance, se précipite sur la scène, et d'un coup de sabre fait voler sa tête. Le public, à son tour, exaspéré de la mort d'un homme qui lui plaît, envahit le théâtre et décapite le roi.

      Les représentations des Mystères servaient aussi souvent pour les fêtes et les solennités, telles que les mariages des princes, leurs entrées dans la capitale.

      Les idées les plus absurdes trouvaient place dans ces sortes de poëmes dramatiques. Ainsi, dans l'un d'eux, Jésus-Christ en perruque et le diable en bonnet à deux cornes, se disputent, se battent à coups de poing et finissent par danser ensemble.

      Un peintre, fort amoureux de son talent, disait à ceux qui l'entouraient en regardant un paradis qu'il venait de terminer pour la représentation d'un Mystère.

      – «Voilà bien le plus beau paradis que vous vîtes jamais, ni que vous verrez.»

      Le public finit par se lasser des Mystères. Un nouveau genre de pièces théâtrales, auxquelles on donna le singulier nom de Moralités, partagea d'abord avec les Mystères les faveurs de la scène, puis leur succéda.

      Ce fut sous Louis XII, vers la fin du quinzième siècle, que les Moralités eurent les honneurs du théâtre. Dans le principe, une Moralité n'était qu'une petite pièce qu'on jouait après le Mystère, pour faire rire les spectateurs, de là vient l'usage de terminer les représentations par ce qu'on nommait, il n'y a pas encore longtemps, la petite pièce, et par ce qu'on appelle aujourd'hui une fin de rideau.

      Jean Bouchet, procureur à Poitiers, est un des premiers qui ait introduit les Moralités au théâtre. Au commencement du règne de Louis XII, il en fit représenter une intitulée le Nouveau-Monde, qui eut un grand succès. Cette pièce contenait un trait de satire très-vif contre l'avarice du roi. Ce dernier, qui avait autorisé les poëtes à critiquer les défauts de toutes les personnes de son royaume, sans exception, fut le premier à en rire.

      Analysons rapidement le sujet d'une des Moralités les plus admirées du théâtre de cette époque.

      La pièce est intitulée le Mirouer et l'exemple des enfants ingrats. Un père et une mère marient leur fils unique et lui abandonnent tous leurs biens. Ils tombent dans la misère et ont recours à leur enfant. Celui-ci feint de ne pas les reconnaître et les chasse. A son repas, il se fait servir un pâté de venaison. Du pâté s'élance un crapaud qui s'attache à son nez et que rien ne peut en arracher. Pensant que ce doit être une punition divine, il s'adresse au curé. Le curé le renvoie à l'évêque, l'évêque au pape, et ce n'est qu'au moment où il obtient l'absolution du Saint-Père que le crapaud tombe de son nez.

      Si le bon Dieu et les saints faisaient habituellement les frais des Mystères, Satan avait d'ordinaire la plus large part dans